01. Adélaïde est une grande manipulatrice. C'est un "don" qu'elle a depuis qu'elle est adolescente, depuis le moment où elle a réalisé que sa beauté faisait tourner des têtes. La jeune fille fragile, douce, naïve a alors fait place à cette femme dont on ignore en permanence les pensées. 02. Originale, ça on lui a souvent dit. Elle ne fait rien comme tout le monde, et peut-être que son insouciance perpétuelle envers l'opinion des autres a fait aujourd'hui qu'elle vit sa vie comme elle l'entend. 03. Adélaïde déteste les attaches. Cette femme est instinctive, elle ne laisse guère de place pour les actes réfléchis et pondérés. Ses relations ne durent pas, elle aime se sentir libre de ses mouvements et de ses pensées. Oh non, ne vous attachez pas à elle : elle est imprévisible et est capable de s'envoler dès que vous la pensez posée quelque part. Tel un oiseau migrateur. 04. Artiste ? Oui, totalement. La jeune femme est un esprit créateur, inventif, toujours en quête de nouvelles chorégraphies, de nouvelles idées innovantes. Adélaïde est une ressource sûre de limites à franchir. 05. Adélaïde a beau être danseuse étoile à l'Opéra de Paris, et avoir vingt-neuf ans, c'est encore une enfant. Rien qu'à l'entendre rire, on peut encore imaginer la petite fille blonde aux grands yeux bleus courant après les papillons dans le jardin de ses parents... 06. Libre. C'est sûrement le mot qui définit le mieux la jeune femme, et ses relations sentimentales s'en ressentent. Croqueuse d'hommes et de femmes, Adélaïde a toujours été attirée par les deux sexes et l'assume entièrement.

Quel a été votre sentiment et/ou réaction après avoir appris que vous montiez en grade à l'ODP ?Je me suis sentie entièrement à ma place. La place d'étoile m'appartenait, elle m'attendait déjà, je n'avais plus qu'à en saisir l'opportunité, tout simplement. Franchement, je m'étonne même d'avoir mis autant de temps pour y accéder...Je sais que mes propos peuvent paraître osés, mais c'est pourtant ce que je pense. Comment votre entourage a réagi à la nouvelle ? Mes parents étaient ravis, ma soeur était jalouse - comme elle l'est souvent. Pour être honnête, mes amis ont été déçus - ils ont peur que la danse finisse par empiéter complètement sur ma vie privée, mais on ne peut pas quitter l'Opéra de Paris impunément, et surtout pas à cause des soirées entre amis qu'on rate ! Est-ce que votre attitude/personnalité a changé depuis cette promotion ? Non, je suis restée la même. Certains me jalousent, me détestent, d'autres m'admirent : peu importe. Je suis arrivée là où j'en suis parce que j'ai travaillé pour cela, et que je le mérite, tout simplement. Les danseurs qui m'envient auront toujours quelque chose à inventer derrière mon dos, je les ignore. La carrière d'un danseur de l'ODP prend fin à 40 ans, comment voyez-vous votre vie après l'ODP ? Je voudrais être chorégraphe - ce serait le but ultime ! 

TOULOUSE ; le 8 août 1985. Un cri, des yeux bleus qui s'entrouvrent. Il en faut peu pour voir naître une future étoile de l'Opéra de Paris. Lorsqu'Adélaïde vient au monde, elle ignore bien sûr que sa vie va être remplie de pas de danse et de sacrifices dont peu de gens sont capables.
Mais alors que ses parents se penchent de concert sur le berceau de leur petite poupée, il est difficile d'y prêter attention. Après tout, la naissance d'un enfant est la plus belle chose qui puisse exister, n'est-ce-pas...?

TOULOUSE ; le 10 septembre 1990. « Vous êtes prêtes ? Allez, on recommence ! Déboulé, déboulé, déboulé…Pirouette ! Fouetté, pas de bourré ! »
Adé, comme on la surnomme, a tout juste cinq ans mais sa concentration est à son maximum. Elle essaye de ne surtout pas regarder ses pieds, et de garder la tête bien droite. Une goutte de transpiration pointe au creux de ses omoplates, elle l’ignore. La danse est entrée dans sa vie il y a presque un an, et malgré tous les efforts physiques et mentaux qu’elle requiert, la petite fille ne le regrette pas une seule seconde. Dans un coin de la pièce, sa mère, Nathalie, la regarde avec des yeux pleins d’admiration. Il lui semble que sa fille cadette est une danseuse étoile, avec la grâce et la beauté qui conviennent. C’est seulement lorsque le chausson de danse d’Adélaïde glisse sur le plancher, qu’elle réalise que sa fille n’a que cinq ans, et que l’Opéra de Paris est encore très loin sur le long chemin de la danse classique.

PARIS ; le 20 avril 1995. « Adélaïde, descends s’il te plaît ! Tu vas être en retard à l’école ! »
L’énervement dans la voix de sa mère se fait clairement sentir, et elle tape impatiemment du poing sur la rambarde de l’escalier de leur maison, nouvellement achetée à deux pas du centre de Paris. Nathalie et Quentin Laffont ont les moyens, les ont toujours eus, et les mettent au service du talent de leur fille cadette. Déménager à Paris pour l’aider à gravir les échelons de la danse ? Pas de problème ! Aussitôt dit, aussitôt fait. Au revoir la ville rose de province, bonjour la grisaille parisienne.
En attendant Adélaïde et Inès, son aînée, Nathalie revoit le programme qui attend sa cadette au cours de la journée. Entre deux cours, entraînements intensifs de danse, classique pour ne pas changer. Adé est une future danseuse professionnelle, Mme Laffont se fera un plaisir d’y veiller personnellement.

PARIS ; le 18 juin 2000. De cinq ans en cinq ans, les années passent et les progrès se discernent très nettement. Adélaïde est sortie de l’école de l’Opéra de Paris, elle a travaillé énormément pour parvenir à ce qu’elle est aujourd’hui. Son corps s’est forgé avec le temps, les pointes lui ont donné du fil à retordre, elle en a même pleuré…Mais aujourd’hui, elle rayonne de bonheur chaque fois qu’elle annonce que oui, elle fait partie de l’Opéra de Paris. C’est au terme d’une lutte acharnée, qui ne lui a laissé aucune place à sa vie privée, qu’elle a gagné sa place dans le prestigieux corps de ballet de cette organisation. Des gouttes de sueur et des larmes de frustration ont été versées, mais Adélaïde n’a rien à regretter de ces sacrifices qu’elle a faits : elle sait qu’aujourd’hui, une partie de son travail a été enfin récompensé.

PARIS ; le 31 décembre 2005. Adé est seule, une coupe de champagne à la main, les yeux bleus fixés sur l’immensité qui s’étale devant ses yeux. Ses parents lui ont fait la surprise, ils viennent de lui acheter un appartement au sommet d’un immeuble parisien, qui a vue imprenable sur la tour Eiffel. Le réveillon n’étant pas sa tasse de thé, la danseuse est en compagnie d’elle-même sur son balcon, le liquide pétillant dans son verre étant le seul signe qu’elle est consciente qu’on passe d’une année à une autre. Minuit sonne, les « bonne année » fusent de partout de l’étage d’en-dessous. Amèrement, à mi-voix, la jeune femme marmonne la même chose. « Bonne année, Adé. Puisse le bonheur rejoindre enfin ton cœur noirci. »

PARIS ; le 12 février 2010. « Mais sérieusement Adé, t’as encore du temps libre dans ton planning ? J’ai l’impression qu’on ne te voit plus ! » Debout, droite comme sur un i sur le palier, la danseuse étoile regrette amèrement d’avoir ouvert la porte, même pour voir Claire, sa meilleure amie, l’espace de quelques reproches bien sentis. La blonde laisse la porte ouverte, laissant le choix à son invitée de rentrer ou non chez elle. Claire la rejoint en quelques pas, et lui saisit le poignet. « Adélaïde… » C’est l’utilisation de son prénom complet qui retient l’étoile. Celle-ci ferme les yeux, prend une inspiration profonde. Non, ce n’est pas le manque de temps qui l’empêche de voir Claire. Pas totalement, en tout cas. Pour la énième fois en quelques mois, l’étoile se maudit sur cent générations d’être tombée amoureuse de sa meilleure amie. « S’il te plaît, Claire, ne me déteste pas… »
La blonde se retourne et joint leurs deux visages sur une brusque impulsion. Les quelques secondes que durent le baiser la laissent pantoise, presque ivre de joie. Elle baisse cependant les yeux, ne laissant pas Claire voir les émotions qui se peignent sur son visage. Seule la porte qui claque derrière son amie laisse entendre ce qu’elle a pensé de cette scène. Le seul bruit qui reste dans l’appartement parisien est le son du cœur d’Adélaïde qui se brise en mille morceaux.